LE POIDS DE LA NEIGE
Christain GUAY-POLIQUIN
Editions de l'Observatoire (2018)
Dans une période indéterminée, alors qu'une gigantesque panne électrique paralyse le pays, que des échos d'accidents, de vols, de pillages parviennent jusque dans les montagnes, le narrateur échoue, grièvement blessé, dans son village natal. Il est confié aux bons soins de Matthias, un vieil homme arrivé par hasard, contre la promesse de vivres et de faire partie au printemps d'un convoi qui tentera de rejoindre la ville. Installés dans une maison inoccupée, un peu à l'écart du village, les deux hommes s'habituent à vivre ensemble et à se supporter dans cet environnement hostile, alors qu'arrive le froid et que les cumuls de neige deviennent importants.
Le roman décrit ce face à face, pendant les mois d'hiver, de deux hommes qui ne se connaissent pas. Comment vont-ils réagir dans une situation oppressante ? Vont-ils jouer leur propre jeu ou mettre en place des stratégies de solidarité ? L'espace (toujours plus de neige, un paysage enseveli) et le temps (jour après jour, peu de visites des gens du village) sont les seuls éléments inquiétants du récit ; l'effet de réalité accentue l'angoisse que l'on peut ressentir : « Avec la neige qui s'est amassée durant les derniers jours, ma fenêtre ressemble de plus en plus à une meurtrière. Comme si nous vivions dans un bunker construit en vue d'une embuscade. Ou dans un retranchement souterrain, avec un accès très limité au monde extérieur ».
Le temps du roman est un temps fermé. On ne sait presque rien de ce qui s'est passé avant, hormis la panne électrique qui a tout bouleversé ; on ne saura rien de ce que deviendront les personnages : l'impression de huis-clos s'en trouve renforcée.
Peu d'action donc, dans ce roman intimiste, où les références littéraires vont de Pinocchio à Cent ans de solitude et insistent sur la nécessité du langage pour aider les hommes à survivre. Le roman, qui ne déparerait pas dans une collection ''nature writing'', est représentatif du genre post-apocalyptique, dans la lignée de La route de Cormac McCarthy : il éprouve la capacité de l'homme à sauvegarder son humanité dans des situations extrêmes.