L'HIVER DU MECONTENTEMENT
Thomas B. REVERDY
Flammarion (2018)
Automne1978, les Sex Pistols n'ont pas cinq ans, le punk appartient au passé et Sid Vicious est mort depuis février. Une dirigeante du Parti Conservateur, Margaret Thatcher, fait ses premières apparitions publiques. Dans les rues de Londres, la jeune Candice parcourt les rues en vélo avec toute l'insouciance de ses vingt ans : « C'est un âge où la vie ne s'est pas encore réalisée. Où tout n'est encore que promesses – ou menaces ». Le pays et sa jeunesse sont à un tournant et ils ne le savent pas encore : cinq mois plus tard, ils se réveilleront avec la Dame de Fer au pouvoir.
Candice, qui est comédienne dans une troupe de femmes, répète le Richard III de Shakespeare et s'interroge longuement sur le pouvoir, sa nature et celle de ceux qui l'exercent. Est-ce cela le pouvoir ? Forcer une femme, humilier un subalterne, mettre une claque à un gamin ? Est-ce cela un pouvoir qui se déclare fort au milieu des faibles ? : « Richard III c'est quand le pouvoir le plus absolu ne provient pas de l'ordre, mais du chaos le plus total ». Lorsque dans une superbe scène finale, elle déclame son texte face au public, tout le monde comprend que c'est à Maggie qu'elle s'adresse.
Il y a dans ce roman d'autres pages somptueuses, ne seraient-ce que celles du premier chapitre, ''Run like hell'' de Pink Floyd. Les titres de chapitre composent l'imposante liste de lecture de la fin des sixties : Public Image Ltd, The Buzzcocks, The Damned, The Clash, ...Mais l'énergie et la révolte de la jeunesse anglaise ne pèseront pas lourd au final devant la politique de la Dame de Fer.
Le lecteur regrettera simplement que Candice ait été abandonnée par son auteur au profit de réflexions politiques sur les grèves, le néo-libéralisme, les marchés financiers qui respirent un opportunisme de circonstance plus que littéraire. Pourtant qu'elle était belle Candice : « On dirait qu'elle vole, Candice, dans les rues de Londres à la fin de cet été 1978 […] comme si elle poursuivait dans le petit matin blême des phares qui s'éteignent et du brouillard bleu, un rêve tout près de s'échapper [...] ».