4321
Paul AUSTER
Editions Actes Sud (2018)
Continuant d'explorer les effets du hasard et des contingences, Paul Auster a choisi le roman polyphonique pour tenter d'y répondre. Au point de départ de 4321, il y a une interrogation : qu'aurait été ma vie si j'avais, à tel moment donné, fait un choix différent ? D'où l'idée de créer quatre personnages, identiques au départ, même jour de naissance, même lieu, mêmes parents, et de construire quatre parcours différents. Au bout des mille quinze pages (quand même!), le lecteur saura ce que sont devenus ces quatre Ferguson au bout de vingt ans de leur vie. La première conclusion qu'il en tirera, c'est que notre destin nous appartient en grande partie et qu'il n'est pas prédéterminé : aucun des quatre Ferguson ne connaîtra le même sort.
Paul Auster, qui a sérieusement allongé sa phrase, donnant du souffle au texte tout en conservant la fluidité de la narration, jamais exempte de drôlerie, profite de ce voyage pour évoquer le destin de l'Amérique des années 1950 à 1970. Les pages sur la guerre du Viet-Nam et la contestation étudiante sont incontournables. Le destin individuel des Ferguson ne peut se concevoir que dans un ensemble de cercles concentriques, partant de l'individu et s'élargissant à l'entourage, à la ville, au pays, à la guerre, ...
Il est beaucoup question d'écriture dans ce roman et chacun des Ferguson s'y confronte à sa manière : ce sera pour l'un la voie du journalisme et des traductions, pour l'autre celle des journaux scolaires, celle de l'autobiographie pour le troisième, celle de la littérature pour le dernier. On évoque Dostoïevski,Kafka, Borges, Edgar Allan Poe, Melville, Montaigne, Cervantes, Thoreau . Pour Ferguson, la lecture de Crimes et châtiments fut « l'éclat tombé du ciel qui le fracassa en mille morceaux ». Peut-être en est-il de même pour nous à la fin de la lecture de ce roman-fleuve ?