PATRIA

Fernando ARAMBURU

Editions Actes Sud (2018)

 Souvent présenté comme le roman cathartique du pays basque, paraissant en 2017 après plus de cinquante ans d'affrontements, Patria ne peut prétendre à la vérité historique que nous laisserons aux historiens. Il débute en 2011 alors que l'ETA vient de décider d'abandonner la lutte armée. Bittori, veuve de Txato, assassiné parce qu'il refusait de payer l'impôt révolutionnaire, revient dans son village natal et son retour va raviver de vieilles rancoeurs.

Politiquement engagé contre le terrorisme de l'ETA, Patria ne s'interroge pas sur la validité des prises de position politiques des uns et des autres : pour Fernando Aramburu, c'est une question réglée. Ce qui l'intéresse, c'est de montrer comment une idéologie percute la vie des habitants. Enlèvements, assassinats, violences, meetings politiques, il est difficile pour les basques d'échapper à cette pression permanente qui conduira certains à fuir une atmosphère étouffante, qui divisera les familles, qui fera des amis d'hier des ennemis irréconciliables. Tous les basques sont victimes de ce climat de terreur et les militants de l'ETA aussi, qui verront leur jeunesse s'enfuir derrière les barreaux des prisons.

Patria est un grand roman car il s'extraie de la situation politique où il se déroule pour s'interroger sur le sort des individus qui y sont confrontés. Comment réagiront-ils ? Telle est la grande question  que doit se poser tout romancier digne de ce nom. Par la richesse et la variété des personnages, leurs oppositions, leurs petites lâchetés et leurs révoltes, Fernando Aramburu dresse le portrait saisissant d'une région qui commence à se remettre tout juste d'un demi-siècle d'errements tragiques.

Les choix de Fernando Aramburu sont limpides et tout son roman est en cohérence avec ceux-ci : écrire à hauteur d'homme, dans notre espace quotidien, dans la réalité qui est celle de la vie ordinaire des jours qui passent. La littérature permet cette audace : surgir face à nous, avec toute sa puissance, comme semblent le faire les personnages du roman lorsqu'ils prennent la parole, semblant surgir du brouillard et s'avancer vers nous, lorsque, par un jeu subtil de narration, le ''je'' supplée le ''il''.