MANIFESTO
Léonor de RECONDO
Editions Sabine Wespieser (2019)
Nous retrouvons ici toute la sensibilité et la justesse de ton qui nous avaient tant séduits dans Amours. Il est aussi question d'amour dans ce roman polyphonique où s'entremêlent et se répondent les voix de Léonor de Recondo, de son père Félix sur son lit d'hôpital, et parfois celle d'Arthur Hemingway.
Il y est question de la tristesse qui s'empare des vivants à l'approche de la mort d'un proche, du désarroi des derniers instants mais aussi de toute une vie qui se reconstitue par bribes au fur et à mesure que les souvenirs reviennent. Nous voyons défiler la vie de Félix quand il était enfant, sa douleur de perdre en quelques années ses trois enfants issus d'un premier mariage. Nous sommes dans le domaine de l'intime mais Léonor de Recondo réussit, avec grâce, à ne pas faire de nous des voyeurs car son écriture sait se faire distante, s'interrompre : tout cela est d'une émouvante beauté.
Félix de Recondo, qui est peintre, fabriquera, de ses propres mains, un violon pour sa fille. En en prenant possession, elle reçoit l'offrande généreuse de son père :
- « Ca a été long, mais, une fois que le violon et la petite fille ont été parcourus par le même souffle, ils n'ont plus cessé de l'être […]
[...]J'ai, alors, imaginé que j'étais moi-même musicien, et qu'elle dessinait avec son archet, que ce qui nous intéressait l'un et l'autre, c'était d'entrer main en avant dans cette masse et de laisser le souffle y trouver sa place, toute sa place ».
C'est un manifeste d'amour , un magnifique tombeau littéraire que Léonor de Recondo offre ici à son père.