LA TRANSPARENCE DU TEMPS
Léonardo PADURA
Métailié (2019)
Chez Padura, l'ancien policier Condé et ses amis sont des personnages récurrents. Ils sont l'âme de ses romans et, même s'ils boivent beaucoup trop de (mauvais) rhum, restent éminemment sympathiques d'un roman à l'autre. Rien ne semble pouvoir ébranler leur amitié, ni la vieillesse qui s'empare d'eux à l'approche de la soixantaine, ni la mélancolie désabusée des années passées à végéter dans une La Havane moribonde, ni le regret des projets de jeunesse envolés à tout jamais.
La société cubaine a choisi de les conserver à tout jamais dans le camp des perdants mais ils restent forts, solidaires et joyeux, toujours prêts à se retrouver pour partager un bon verre ou un bon repas.
Plus que l'enquête policière, assez simpliste et convenue, qui est la trame de cette histoire et que Condé s'applique à résoudre avec une lenteur étudiée, Léonardo Padura nous invite à suivre son personnage dans les rues de La Havane, à la découverte d'un pays contrasté où les traces de richesse de quelques opportunistes qui ont su profiter des largesses du régime n'arrivent pas à effacer la misère des bidonvilles de la périphérie.
On concédera que le style de Padura est souvent chargé et répétitif et on lui accordera le talent d'écrire de beaux romans d'atmosphère, auxquels il ajoute ici une histoire annexe étonnante sur le parcours mouvementé d'une Vierge Noire qui traverse les siècles, de Saint-Jean d'Acre à La Havane, comme un vestige des temps passés ou un symbole de la transparence du temps.